« On veut que le bug de l’an 2000 prenne la forme d’une météorite, et qu’il arrive MAINTENANT »
Ce qui importe vient à nous à pas de colombe, disait-il en frappant son marteau sur la cymbale de Zarathoustra. Zing Zing.
Ce texte n’est pas un « appel » (sans réponse), pas une pétition (sans principes), non, peut-être une opération spirite (white, disent les mauvais esprits) avec le fantôme oublié de l’avant-garde, ce fantôme plein de naphtaline des années 1920, censé éloigner les mites pullulant en proclamations sur le cadavre du pape Breton. Esprit dada es-tu là ?
« On veut »
De dada on retrouve la destructivité sarcastique comme mode opératoire, les collages de noms célèbres de l’establishment (c’est ça qu’on dit ?) littéraire mis dans des situations tordues et irrévérencieuses, mais surtout pour moi l’affirmation absolue, simple, indestructible, enfantine, magique du :
« On veut »
Volonté martelée, répétée, scandée à l’infini, enfin sur un certain nombre de pages, non numérotées, qu’on dira infini puisque formant un livre, 48 pages dit l’éditeur, soit ce qu’il faut pour être reconnu comme livre : « Publication non périodique imprimée comptant au moins 49 pages, pages de couverture non comprises, éditée dans le pays et offerte au public » (dixit l’Unesco). Merveilleux bréviaire des sarcasmes ultramodernes.
« On veut des bars à Mezcal de Oaxaca avec vue sur des orages sans bruit qui font grésiller les enseignes lumineuses indiquant PACIFICO et FORMES ETRANGES. »
Ce manifeste, que rend-t-il manifeste ? Peut-être la transformation même de la littérature, son éternité et sa mutation. Sa crise perpétuelle et sa recomposition, son « recommencement » pour reprendre l’idée du beau livre de Mathieu Potte Bonneville.
« On ne veut plus de livres on veut un nouveau Duke Nukem »
Que peut la littérature à l’heure du jeu vidéo, de Moby Dick adapté en virus informatique, du cynisme ultralibéral ratissant le fond des inconscients comme le fond des océans ? N’y a-t-il qu’à slalomer en jet-ski entre les débris du Titanic appelé Littérature, émergé des eaux Belle époque de la grande période où le roman s’est massifié avant que d’autres industries plus massifiantes lui passent devant ? Ou bien faut-il rêver que les personnages de Balzac passent dans Street Fighter, ce qui peut donner des chemins de traverse pour parcourir des univers (on peut l’imaginer avec Blanchot par exemple) ?
Avec ces pages fabuleuses on est face au potentiel révolutionnaire de la littérature, que l’on dira toujours en biaisant à la Sieyès :
- Qu’est-ce que la littérature ? Rien
- Qu’a-t-elle été jusqu’à présent dans l’ordre culturel ? Tout
- Qu’est-ce qu’elle aspire à être ? Quelque chose
Ce manifeste au dispositif jouissif comme hérité du paquet de corn-flakes et des lunettes 3D en papier où l’on décolle le plastique rouge pour pouvoir lire tel un castor junior le texte électrique, est ça aussi : un texte de jouissance. Un texte qui fourmille de propositions avisées pour faire craquer les sourires glacés et soulever les peaux-mortes qui se déposent dans les livres. Une fulgurance.
« On veut que le bug de l’an 2000 prenne la forme d’une météorite, et qu’il arrive MAINTENANT »
Maintenant, c’est pas aussi un titre du Comité invisible ?
Speedboat : manifeste pour une littérature révolutionnaire et illimitée. Quentin Leclerc, Fabien Clouette, éditions de L’Ogre, 2019. Disponible chez tous les dealers de livres, espère-t-on.